Mercure


Journal de Hazel

Pour habiter cette île, il faut avoir quelque chose à cacher. Je suis sûre que le vieux a un secret. Je n'ai aucune idée de ce que ce pourrait être ; si j'en juge d'après les précautions qu'il prend, ce doit être grave.
Une fois par jour, un petit bateau quitte le port de Noeud pour gagner Mortes-Frontières. Les hommes du vieux attendent au débarcadère ; les provisions, le courrier éventuel et cette pauvre Jacqueline sont fouillés. C'est cette dernière qui me l'a raconté, avec une indignation sourde : de quoi peut-on la soupçonner, elle qui est au service du vieux depuis trente ans ? J'aimerais bien le savoir.
Ce rafiot, je l'ai pris une seule fois, il y a bientôt cinq ans. Ce fut un aller simple et il m'arrive de penser qu'il n'y aura jamais de retour.





- Cessez cette comédie. Il est un peu tard pour jouer à l'infirmière parfaite. Au fait, j'ai une devinette pour vous : quel est le rapport entre le mercure et vous ?
- Vous le savez bien.
- Non : je parle ici du lien mythologique qui vous unit.
- Je l'ignore.
- Avec une majuscule, le mercure devient le dieu messager, Mercure. Et quel est le symbole du Mercure ? Le caducée !
- Symbole de la médecine.
- Oui : votre profession. Le même symbole pour les messagers et les médecins. Je me demande pourquoi, ironisa Loncours.
- Il y a des messages qui guérissent.
- Et il y a des infirmières messagères qui voudraient pousser la pertinence mythologique jusqu'à exprimer leur message par le biais du mercure. Dommage que cela n'ait pas marché.

Amélie Nothomb - Mercure - ©-Albin Michel 1998.


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