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Hygiène de l'assassin
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- Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous foutez là ? - Nous sommes le 18 janvier, monsieur Tach, et c'est le jour qui m'a été attribué pour vous rencontrer. - Vos collègues ne vous ont pas dit que... - Je n'ai pas vu ces gens. Je n'ai aucun rapport avec eux. - Bon point pour vous. Mais on aurait dû vous prévenir. - Votre secrétaire, M.Gravelin, m'a fait écouter les bandes hier soir. Je suis là en pleine connaissance de cause. - Vous savez ce que je pense de vous et vous venez quand même ? - Oui. - Bien. Bravo. C'était téméraire de votre part. A présent vous pouvez partir. - Non. - Vous l'avez réussi, votre exploit. Qu'est-ce qu'il vous faut de plus ? Vous voulez que je vous signe une attestation ? - Non, monsieur Tach, j'ai grande envie de vous parler. - Ecoutez, c'était très drôle, mais ma patience est limitée : fichez le camp. - Il n'en est pas question. J'ai reçu l'autorisation de M.Gravelin au même titre que les autres journalistes. Alors je reste. - Ce Gravelin est un traître. Je lui avais bien dit d'envoyer promener les magazines féminins. - Je ne travaille pas pour un magazine féminin. - Comment ? La presse masculine engage des femelles, maintenant ? - Ce n'est pas une nouveauté, monsieur Tach. - Merde alors ! Ça promet : on commence par engager des femelles, on finit par engager des nègres, des Arabes, des Irakiens ! - C'est un prix Nobel qui dit des choses aussi relevées ? - Prix Nobel de littérature, pas prix Nobel de la paix, Dieu merci. - Dieu merci, oui. |
| Amélie Nothomb - Hygiène de l'assassin - ©-Albin Michel 1992. |